Il semble que la digitalisation partage le monde RH en deux : d’un côté les hyper optimistes qui voient dans la révolution numérique une solution aux grands problèmes RH (optimisation du recrutement, tracking permanent, mesure instantanée de l’engagement, cartographie instantanées des pools de compétences, gestion des réseaux internes de connaissances, etc). De l’autre les pessimistes qui voient dans la 4èmerévolution industrielle non seulement un risque majeur de disparition d’un grand nombre d’emplois dans quantité de professions mais également la négation de l’essence même d’une entreprise. A force de digitaliser on risquerait ainsi d’oublier sa culture, ses valeurs, l’engagement de ses collaborateurs, l’inspiration de son management, sa contribution à un univers commun et durable.
Nous appartenons clairement à cette deuxième catégorie. Nous observons depuis 15 ans le niveau d’engagement des collaborateurs d’entreprises de toutes les tailles dans tous les secteurs. Au travers de milliers de Feedback 360° nous avons aussi appris à déceler les caractéristiques clés des managers inspirants, ceux ou celles que l’on suivra même dans des conditions très difficiles. Ces années de pratique nous font douter que le tout digital remplisse toutes les promesses*.
4 tendances lourdes que nous observons dans les entreprises et qui affectent le niveau d’engagement des collaborateurs.
- Le désengagement progressif du management intermédiaire, pris entre des intérêts conflictuels (ceux du senior management et ceux des collaborateurs). Trop souvent nous constatons que l’engagement de ces managers est au même niveau ou même plus bas que celui de leurs collaborateurs. Or l’engagement c’est de l’énergie. Si l’on en manque, les projets de transformations seront plus difficiles à réaliser parce que ceux qui doivent les mettre en œuvre n’ont plus la capacité d’emport ni l’envie nécessaire. La digitalisation n’aura pas d’effets significatifs sur ce problème et pourra même l’aggraver si l’on transforme nos managers en Chiefs Tracking Officers.
- Les Directions Générales tiennent des discours qui n’engagent plus autant et la confiance dans les dirigeants est faible (en moyenne 6.8 sur une échelle de 10). Les discours ne mobilisent pas assez les collaborateurs parce qu’ils parlent d’un succès à venir dont on sait qu’il sera très peu partagé et d’autre part parce que, bien souvent, les Directions Générales manquent de capacité à inspirer et à enthousiasmer. Les litanies de chiffres ne font rêver que les comptables, les analystes financiers et les actionnaires.
- Les organisations deviennent de plus en plus complexes et cela génère de très importants dysfonctionnements organisationnels. Le manque de collaboration est devenu un enjeu critique car les grands projets d’adaptation et de transformations sont nécessairement transversaux. Là non plus la digitalisation n’aura pas d’impact très positif. Au contraire : elle risque de précipiter les cycles et de mettre davantage de pression sur l’organisation et les équipes.
- Les styles de management ne sont pas encore suffisamment adaptés à la complexité, à l’inconnu, aux nouvelles générations et aux défis de la digitalisation. 40% des managers sont perçus par leur équipes comme insuffisamment innovants, un manager sur deux ne développe pas suffisamment sont équipe. Le management demeure un des facteurs clé de l’engagement des collaborateurs, mais de façon différente des 5 dernières années : les collaborateurs attendent plus d’écoute et d’empathie de leur manager, plus de courage et d’assertivité, plus de proximité et de sens. Le sens qui est donné à l’action reste pour nous le plus important facteur d’engagement. Sans lui, il n’y a ni résilience ni passion ni partage des succès et des expériences. Ici également la digitalisation ne résoudra rien.
L’algorithme ne m’aura pas tué !
Nos dernières études d’engagement le montrent clairement : ce sont les entreprises qui réussissent à donner du sens, à se transformer avec empathie et dans le respect des collaborateurs, celles qui vont à l’essentiel dans la simplicité et celles qui donnent des perspectives qui ont les collaborateurs les plus engagés. Ce sont, de ce fait, celles qui sont le mieux préparées à la révolution digitale parce que, paradoxalement, se sont celles qui préservent et développent leur capital humain. Elles continueront d’adosser leurs programmes RH aux nouvelles technologies mais ne les y substitueront pas.
Les illusions futuristes du tout digital se heurteront à la réalité des entreprises faîtes d’Hommes et de Femmes dont l’engagement est indispensable au succès. C’est en demeurant vigilant et sans concession sur les fondamentaux de l’engagement tels que le sens, les perspectives de développement, l’inspiration dans l’avenir, que les entreprises tireront profit de cette quatrième révolution industrielle.
* Lire « La quatrième révolution industrielle : comment s’y préparer ? 4 clés RH pour réussir », Livre blanc n°1, Qualintra.