La généralisation du télétravail, dans les secteurs où il était possible, s’est accompagnée d’une réflexion en profondeur sur les conditions de travail, le sens qu’on y trouve et la relation à l’employeur.
Ceci se traduit par une modification des habitudes de travail, comme en témoignent la redynamisation du marché des résidences secondaires (ne faudrait-il pas parler plutôt de seconde résidence principale ?) ou la tendance à quitter les métropoles au bénéfice des villes de taille moyenne ou de zones d’habitation moins denses.
Ne pas sous-estimer les risques
S’il comporte des risques, le maintien du travail à distance offre aussi des opportunités. Les risques ont déjà fait l’objet d’une littérature abondante : distension du lien social, désengagement, perte de repères pour les salariés, sentiment d’abandon voire d’exclusion pour les plus éloignés. A cela s’ajoutent, par endroit, l’inconfort matériel et un sentiment d’injustice pour ceux qui ne bénéficient pas chez eux de conditions de travail adaptées.
Piloter une équipe à distance représente aussi un défi de taille pour les managers, qui doivent mobiliser toute leur énergie pour entretenir un climat d’équipe convivial et maintenir l’engagement. Ceux qui ont tendance à tout vouloir contrôler devront – en outre – lutter contre le sentiment d’insécurité et la frustration de ne pouvoir surveiller en temps réel la production de leurs collaborateurs.
Remettre à plat les pratiques managériales
Ce changement profond oblige à revisiter en profondeur les pratiques managériales. Il peut s’agir de remettre en cause les processus de gestion de la performance (quels objectifs, quel suivi, sous quelle forme…), d’adapter le mode de management de près et au loin, de gérer les contraintes logistiques pour obtenir l’adhésion de collaborateurs « ici et ailleurs »…
La pratique du travail à distance exacerbe aussi le besoin de sens et de communication. Le manager doit être capable de régler cette communication pour en maintenir l’homogénéité et la fluidité, face à des équipes sur site et en télétravail et qui, de plus, risquent de ne pas toutes être là au même moment.
Cette nouvelle donne force une réflexion sur une plus grande individualisation pour répondre aux attentes de proximité et d’accompagnement, fortes pour certains, plus faibles pour d’autres. Ceci s’accompagne également d’une prise de conscience accrue du rôle de manager : quelle part laisser au coaching, au contrôle ? Quelle dose de participatif et sous quelle forme ?
La question latente du passage d’un modèle managérial unique à la co-existence de modèles différents en fonction du type de populations, ou des rythmes de travail, ne peut plus être éludée.
Faire preuve de vigilance sur l’équité
Cette réflexion doit s’accompagner d’une vigilance accrue sur l’équité sous plusieurs angles.
Equité économique, tout d’abord : comment prendre en charge les frais (déplacement, électricité, installation d’un poste de travail décent à domicile etc.) ? Comment prendre en compte un coût de la vie différent selon les régions ? Les entreprises ne peuvent se dispenser d’une remise à plat de leurs systèmes de rémunération.
Equité comportementale, ensuite : les managers devront se garder de privilégier les collaborateurs qui sont plus souvent sur site que les autres, et énoncer clairement les règles pour éviter les écueils du présentéisme ou de la distanciation excessive. A l’inverse, ils devront être lucides face à des collaborateurs qui veulent s’assurer de rester visibles, saisissant les occasions de se faire remarquer davantage.
Construire un nouveau contrat d’équipe
Cette nouvelle situation va permettre de revoir le fonctionnement des équipes et de travailler sur un nouveau modèle : quelle charte d’équipe ? Comment fonctionner plus efficacement ensemble ? Que faire absolument en présentiel et, a contrario, que faire à distance ? Comment organiser la vie de l’équipe quand tous les collaborateurs ne sont plus tous là au même moment ?
En réponse, on peut oser des approches iconoclastes, à l’instar de certaines structures de petite taille qui envisagent d’instaurer le télétravail pour tous, systématiquement, et organisent une réunion mensuelle de 2 ou 3 jours « au vert », combinant ainsi travail et « team building » ?
Les entreprises ont pris conscience de ce tournant. Elles doivent maintenant accélérer la réflexion sur la gestion « des ici et des ailleurs » afin de conserver la même vitesse de croisière pour l’ensemble de leurs collaborateurs.